Idit Silman, la présidente du gouvernement israélien, a brusquement annoncé sa démission de la coalition mercredi matin, laissant celle-ci avec 60 législateurs et mettant fin à sa majorité effective à la Knesset.
L’annonce a pris de court le Premier ministre Naftali Bennett, qui n’a pas pu joindre Silman par téléphone après l’annonce. Bennett et Silman devaient se rencontrer mardi, mais Silman a annulé la réunion à la dernière minute.
Mme Silman a ensuite rompu le silence dans une lettre de démission adressée au Premier ministre, invoquant le fait que certains partenaires de la coalition "ne sont pas disposés à faire des compromis". Mettant fin à la mince majorité de 10 mois du gouvernement, elle a déclaré que "le temps est venu de former un gouvernement national, juif et sioniste" et a appelé Bennett à "joindre les mains pour être la voix des valeurs pour lesquelles nous avons été élus."
Dans le sillage de la nouvelle, le chef de l’opposition Benjamin Netanyahu a déclaré : "J’ai été très content d’entendre la déclaration de MK Idit Silman et je la félicite au nom des masses du peuple d’Israël qui ont souhaité ce moment. Idit, vous prouvez que ce qui vous guide est le souci de l’identité juive de l’Etat d’Israël et de la Terre d’Israël, et je vous souhaite la bienvenue dans le camp national."
Il a en outre appelé "tous ceux qui sont élus par le camp national à rejoindre Idit et à revenir chez nous. Vous serez reçus avec tout le respect dû et à bras ouverts".
Selon un haut membre de la coalition, Silman s’est mis d’accord avec des proches de l’ancien Premier ministre Benjamin Netanyahou pour faire partie de la liste du Likoud lors des prochaines élections.
La source, qui a déclaré avoir averti Bennett des discussions entre Silman et le bureau de Netanyahou, a ajouté que Silman s’était vu promettre le rôle de ministre de la santé dans tout gouvernement dirigé par le Likoud.
Sa décision intervient quelques jours après une dispute publique avec le ministre de la Santé, Nitzan Horowitz, au sujet de sa directive autorisant les hôpitaux à permettre aux visiteurs d’apporter des produits alimentaires levés, connus sous le nom de chametz, pendant la Pâque juive, en opposition avec la loi juive.
La défection de Silman met fin à la courte majorité de la coalition, qui a traversé plusieurs tempêtes en près d’un an au pouvoir. Sans 61 députés, la coalition gouvernementale ne peut faire avancer aucune législation à la Knesset sans le soutien des membres de l’opposition.
Toutefois, sans le soutien de la Liste commune, il manque à l’opposition sept membres de coalition supplémentaires pour former un gouvernement alternatif.
L’opposition pourrait plutôt promouvoir une proposition de dissolution de la Knesset, avec le soutien d’un seul membre supplémentaire de la Knesset, mais il est probable que les législateurs ne seront pas pressés de la soutenir de peur que les élections ne mettent fin à leur carrière politique.
À la lumière de la démission de Silman, les législateurs du Meretz, Mossi Raz et Esawi Freige, ont appelé la Liste Unie à majorité arabe à rejoindre la coalition afin de bloquer la formation potentielle d’un gouvernement de droite.
Le président de la Liste Unie, Ayman Odeh, a carrément rejeté toute perspective de rejoindre le gouvernement dirigé par Bennett pour maintenir la coalition à flot : "A l’époque, nous avons recommandé Gantz et Lapid afin de renverser le Netanyahou, et nous ne serons pas une bouée de sauvetage pour Bennett et Shaked. C’est un mauvais gouvernement".
Dans les propres rangs de la coalition, un autre membre de Yamina et ministre des Affaires religieuses, Matan Kahana, a exprimé son choc à la radio de l’armée mercredi matin en apprenant la retraite de Silman "plus ou moins 30 secondes avant que je ne prenne l’antenne".
"J’espère que c’est réversible, je n’ai pas encore parlé à Idit, et dans des moments comme celui-ci, il vaut la peine de parler avant de réagir." Sur la question de l’introduction du chametz dans les hôpitaux et la confrontation entre Silman et le ministre de la Santé Nitzan Horowitz, Kahana a déclaré : "A mon avis, la tempête du chametz est une tempête complètement inutile, qui a commencé par une déclaration désinvolte du ministre de la santé. En substance, rien n’a changé par rapport à l’année dernière."
Dans une interview accordée à 103FM, le membre de la Knesset (MK) Miki Zohar du Likoud a déclaré que lui et Silman ont parlé hier. "Je lui ai dit que je pense que la bonne chose à faire pour elle est de démissionner de cette coalition", a-t-il déclaré.
"J’ai tendance à croire que si elle va jusqu’au bout, il y aura quelques MK supplémentaires qui ne voudront pas continuer dans la coalition, et cela conduira à la fin du gouvernement", a déclaré Zohar.
Plus tard dans la journée de mercredi, à 16h00, des manifestants devraient se rassembler devant le domicile de Nir Orbach, MK de Yamina, pour faire pression sur lui afin qu’il suive l’exemple de Silman et quitte la coalition. Pendant ce temps, Bennett rencontre Orbach et la ministre de l’Intérieur Ayelet Shaked, et a également ordonné aux législateurs de la coalition de ne pas donner d’interviews.
Le président du Likoud et whip [1] de l’opposition, Yariv Levin, a salué ce matin la décision de Silman et a appelé "tous ceux qui sont élus par les électeurs de droite à suivre le chemin qu’elle a tracé et à faire de même." Plusieurs sources politiques ont révélé que Mme Silman et son mari avaient rencontré Levin à plusieurs reprises ces derniers jours.
Levin a ajouté qu’il "apprécie de tout cœur et profondément MK Silman qui, ce matin, a fait la bonne chose, l’acte sioniste et a annoncé la résiliation de son adhésion à la coalition de gauche. Par son geste, Silman sauve l’État d’Israël d’un processus dangereux et sans précédent qui porte profondément atteinte au caractère juif de l’État et aux fondements de son existence."
Le président du sionisme religieux Bezalel Smotrich a également appelé les membres des partis de droite de la coalition à démissionner. "La fin du gouvernement non sioniste de Bennett et du mouvement islamique et dès que cela sera possible, il devra être remplacé par un gouvernement juif, sioniste et national." Smotrich, qui était auparavant un collègue de parti de Silman, a participé à la formulation de sa lettre de démission.
Le MK Meretz Yair Golan a déclaré : "Quiconque n’a jamais été impliqué dans la politique peut comprendre que ce [chametz] est une excuse futile, il y a plus d’opportunisme politique ici que d’adhésion à des principes sacrés. Si Idit Silman cherchait une raison, elle cherchait probablement toutes les raisons qu’elle pouvait trouver."
Mansour Abbas, de la Liste arabe unie, dont la participation à la coalition a été un point de pression essentiel pour Silman, a déclaré : "C’est le même piège que ces trois dernières années. Même si nous allons aux urnes, il n’est pas certain que nous verrons des résultats différents."
Dimanche, Silman a exigé que le ministre de la Santé Nitzan Horowitz ne puisse "continuer à être ministre" suite à ses instructions aux hôpitaux de ne pas empêcher les visiteurs d’apporter du pain ou d’autres produits levés pendant toute la durée de la fête juive de Pessah. Ces produits, appelés "chametz", ne sont pas autorisés par la loi juive à être consommés pendant la fête.
M. Silman, qui préside la commission de la santé de la Knesset, a établi des comparaisons avec le respect de cette loi religieuse par les Juifs pendant l’Holocauste.
"Les gens pendant l’Holocauste jeûnaient à Pessah pour ne pas manger de chametz, et un ministre de l’État d’Israël au sein d’une coalition comme la nôtre dit malheureusement d’introduire le chametz", a-t-elle déclaré.
"J’attends du ministre de la Santé qu’il respecte le public et la coalition" et qu’il "tienne compte des sentiments du public traditionnel", sinon, "nous ne pouvons pas permettre à une telle personne de continuer à être ministre", a-t-elle déclaré, accusant Horowitz de "franchir une ligne rouge".
Traduction : AFPS